Ça commence par un geste élémentaire, presque enfantin : allonger la terre un en boudin. Colombin régulier qui se mue en cordage.
Comment nouer la terre ? Cette matière qui est tout l’inverse d’un fil. Cette matière qui se fend et se rétracte.
Cette matière qui se défait sous la tension, là même où le nœud prend sa force. 
Cette matière qui se fige à une température où le fil s’embraserait. 

S’agit-il de reproduire, d’imiter ?
Ou de retenir l’idée, la forme, le symbole ?

Trouver alors le geste, délicat, précis, précautionneux, patient, pour manier cette matière jusqu’à lui communiquer la souplesse et la solidité permettant de la nouer. Concrétiser le lien, ce qui retient, ce qui réunit, ce qui forme une relation. 

En faire un objet volontaire, qui dit à la fois la direction, et la réparation.

Voici un nœud. Il fait partie de la catégorie des nœuds d’ajut, qui, en marine, servent à réunir les bouts de deux cordages. 
C’est un nœud d’écoute, ou nœud de tisserand.
Une écoute, sur un voilier, c’est une corde que l’on attache à une voile – avec un nœud d’écoute – pour la border ou la choquer, c’est-à-dire la tirer ou lui donner du mou, afin de la positionner selon le vent et ainsi faire prendre au bateau la bonne direction.
Quant au tisserand, il utilise ce nœud pour rabouter le fil qui a cassé sur le métier à tisser.

Lier le grès chamotté au grès lisse, et accepter que les aspérités – obstacles à la fluidité – deviennent partie constitutive de la matière en l’intégrant et en la renforçant.

Direction, réparation.
Que ce nœud inspire la force d’emmener son embarcation dans la direction qui convient. 
Que ce nœud évoque la douceur et toute la nécessité de la réparation, pour que le fil se poursuive.